E.B. est une étudiante québécoise en Sciences de la Communication. Elle a souhaité m'interviewer. 2019.
- Bonjour, vous êtes, comme nous le savons, autrice de déjà deux romans: Cactus et Orchidée, paru en septembre 2012 et ensuite Maman, Papa, Louise et Moi paru en septembre 2018, et
avez également écrit quelques nouvelles. Que signifie à vos yeux le mot "romancière" ?
Le mot "romancière" est joli, non? Il sonne à mes oreilles comme quelque chose de gracieux,
de noble. Etre romancière, pour moi, c'est un peu magique. Comme un rêve d'adolescente, longtemps rangé au fond d'un tiroir, qui aurait vu le jour sans que je m'y attende. Etre romancière, c'est
partager. Partager des mots, des émotions, des sensations. Faire voyager le lecteur. Le faire sourire ou pleurer. L'emmener ailleurs, lui tordre le ventre aussi.
- Comment expliquer la formation de l'intrigue, la genèse du récit ?
Je crois que l'intrigue naît avec le besoin d'écrire. Des bribes de phrases se forment dans
ma tête, c'est un un récit qui s'y dessine, involontairement d'abord. J'en saisis le fil, me l'approprie, le griffonne, et réfléchis alors à la forme à lui donner, à l'épaisseur de mes personnages,
aux liens qui les unissent, à où je vais les mener. Parfois, la fin est presque écrite dès les premiers mots; d'autres fois, je me laisse moi-même emporter par mes personnages sans savoir où cela me
mènera.
- Vos deux romans présentent des personnages et des intrigues très différentes mais étrangement reliées
par une empreinte psychologique et sentimentale profonde. Pourriez-vous dire que telle était votre optique de départ ou est-ce plutôt une expression sous-jacente d'affects qui vous sont propres
?
C'est une question difficile. Elle nécessite un recul qu'il m'est difficile d'avoir. Mes
romans, mes personnages, sont des inventions, mais des inventions intimes. C'est là tout le paradoxe du/de la romancier.e qui invente mais, en même temps, met tant de lui/elle-même dans ses romans.
Je mets beaucoup de moi dans la description psychologique de mes personnages, parce que je vis leurs émotions au moment où je les écris. Et puis, pourrait-on écrire une émotion dont on ignorerait
tout?
- Comment vous vient l'inspiration lors de la création des personnages et de leur
personnalité ? Sont-ils purement fictifs ou sont-ils nés de personnages identifiables dont le réel ?
Ni l'un ni l'autre! Les personnages de mes romans ne sont pas purement fictifs, mais ils ne
sont pas non plus identifiables dans le réel. Je les crée à partir des gens que je connais, croise, observe, entends. C'est un peu comme si j'utilisais un kaléidoscope: des fragments de personnes
réelles se transforment au gré des miroirs pour devenir mes personnages fictifs.
- Selon vous, l'écriture s'explique-t-elle par la passion ?
On écrit nécessairement par passion. Parce que les mots sont là, nichés dans le ventre de
l'aut.eur.rice. Ecrire est un art. On ne peut être artiste sans passion.
- Pourriez-vous nous parler de vos sources d'inspirations littéraires ?
La notion d'inspiration est difficile à identifier, cela se fait au fil des lectures sur des
années sans doute. Après réflexion, je citerais Simone de Beauvoir, Annie Ernaux, Amélie Nothomb, Milan Kundera, Françoise Sagan, D.H. Lawrence, Jane Austen, Haruki Murakami, Philippe
Besson.
- Un troisième ouvrage en cours, pourriez-vous nous en dire quelques mots ?
L'intrigue est un drame contemporain dont l'héroïne est une toute jeune femme. Une histoire de femme, de
violence, mais finalement une histoire ordinaire. Je l'ai achevé il y a quelques mois. Et le 4è est terminé également, mais celui-ci, je n'en parlerai pas pour l'instant !
[Update : le 3è roman, Tu n'en auras pas deux, sorti
en mars 2020, devait initialement paraître plus tard. C'est le 3è qui est sorti en 4è position, en juillet 2021. Le titre ? Une autre histoire de la violence]
- Quels conseils donneriez-vous à un.e jeune décidant de devenir romancier.e ?
Je ne crois pas que l'on décide de devenir romancier.e, je crois juste qu'il arrive un moment où le/la
romancier.e en devenir se met devant un clavier et y déverse tous les mots qu'il/elle a dans ses tripes, et qu'un beau jour, cela prend la forme d'un roman.
Mes conseils?
Ecrire, écrire, écrire! Même si ce n'est pas construit, même si on ne sait pas où cela
mènera, cela viendra après.
Ne pas renoncer devant les doutes, les obstacles, la page blanche: tout aut.eur.rice est
assailli.e de doutes, il/elle en ressort plus riche.
Travailler ses textes, beaucoup: "20 fois sur le métier, remettez votre
ouvrage"